Copropriété

Gilles Frémont, Président Fondateur de l'ANGC

Gilles Frémont, président de l'ANGC, l'Association Nationale des Gestionnaires de Copropriété, répond à nos questions.

Les solutions internet se sont largement développées ces dernières années pour offrir plus de services aux copropriétaires. Qu’est-ce que cela a changé pour eux ? Pour vous ?

On parle en effet beaucoup des applications collaboratives développées par les nouvelles startup immobilières. Elles ont eu un démarrage en trombe et fortement marketer grâce notamment à des levées de fonds très importantes dans le contexte porteur de la proptech. Ces startup tentent de s’imposer en vecteur de communication entre les copropriétaires (voir les locataires) et le syndic. Même si ces applications progressent, on ne peut pas vraiment parler aujourd’hui d’une vague comme certains le prédisaient il y a quelques temps. L’outil est intéressant parce qu’il est novateur et l’innovation fait du bien au vieux monde de la copropriété, mais il n’est pas incontournable. Les professionnels ne s’en désintéressent pas, mais ils attendent encore d’être convaincus. Les startups réalisent aujourd’hui qu’elles auraient dû se tourner un peu plus vers les syndics et moins vers les copropriétaires pour bâtir leurs solutions. Le copropriétaire n’est pas un consommateur, et le syndic n’est pas un prestataire de services, il est un mandataire avec un très fort intuitu personae, leurs relations sont complexes voir même impénétrables.

Quant aux solutions internet à destination des syndics bénévoles, on ne peut que se réjouir de leur existence pour les copropriétés autogérées qui de toute façon ont toujours existé en raison de leur petite taille. On ne peut que s’en réjouir à condition que ceux qui proposent ces solutions construisent leur discours commercial sur leurs atouts et non sur le dénigrement des professionnels. La publicité comparative atteint vite ses limites et certains commencent à revenir un peu déçus. L’outil technologique reste un outil.

Mais bien d’autres innovations méritent d’être mises en avant, comme par exemple celles proposées par les éditeurs de progiciels utilisés par les syndics professionnels. Leurs interfaces s’améliorent, les comptes sont plus lisibles pour les copropriétaires avec des graphiques très visuels et des couleurs, l’extranet et l’espace client deviennent plus intuitifs pour le copropriétaire et donc plus rassurants. A vrai dire les copropriétaires ne veulent pas de la surinformation, ils veulent une information de qualité. Il ne faut pas confondre transparence et clarté. Les éditeurs de logiciel sont donc sur une bonne dynamique mais il reste encore beaucoup de progrès à faire. Il y a là un véritable enjeu. Quoiqu’il en soit dans notre métier on ne remplacera jamais la bonne discussion téléphonique et la présence physique, les copropriétaires et les Gestionnaires tiennent à conserver des rapports humains.

L’activité de syndic est une profession mal connue des étudiants, certains ont besoin de mieux connaître cette activité avant de la choisir. Que diriez-vous aux étudiants pour les informer sur cette profession ?

Notre association continue d’aller à la rencontre des jeunes dans les écoles et les universités pour leur parler de notre métier. Dans les formations aux professions immobilières, les futurs Gestionnaires de copropriété sont encore trop peu nombreux. Les jeunes focalisent, voir fantasment, sur des métiers plus glamour ou plus prestigieux au premier abord, parce que le « nom » est plus séduisant ou parce qu’il passe à la télé.

Nous nous présentons devant eux fièrement et nous faisons sauter les clichés sur notre métier. Certes, les lieux communs renferment toujours un petite part de vérité au départ, mais il est temps maintenant de passer à autre chose. Alors nous nous attachons surtout à montrer aux jeunes les attraits de notre métier. Le Gestionnaire est avant tout un juriste, il est aussi un technicien du bâti et un comptable par expérience. Il conduit des procédures judiciaires, il pilote des travaux de rénovation en tant que représentant du maître d’ouvrage, il présente et explique les comptes du syndicat des copropriétaires. Il fait parler tout son art de la rhétorique en assemblée générale. Le Gestionnaire dispose aussi de très bonnes qualités relationnelles, il apaise les tensions et cherche toujours une solution. Il est aussi un très bon manager dans le trinôme qu’il forme avec son assistant et son comptable. Les perspectives de carrières sont intéressantes, il peut devenir après quelques années Directeur de copropriété et animer plusieurs pôles de gestion, il peut aussi devenir responsable de région dans les grands groupes.

Un Gestionnaire junior peut passer Gestionnaire confirmé assez rapidement selon ses compétences et sa personnalité, le métier exigeant une certaine force de caractère. Mais il me semble sage de ne pas laisser un Gestionnaire tout seul en assemblée générale la première année, l’exercice étant particulièrement difficile à appréhender et nécessitant une certaine maturité.

Nous parlons donc aux jeunes de la polyvalence de notre métier, où l’on travaille autant à son bureau que sur le terrain, pour les visites d’immeuble, les expertises sinistres, les réunions de chantier sur les échafaudages et les toits de la ville. Le panel de nos interlocuteurs au quotidien est très large : entreprise du bâtiment, architecte, ingénieur, avocat, géomètre, notaire, huissier, expert d’assurance, services de la mairie, etc. Nous sommes le chef d’orchestre. Les rapports avec les copropriétaires sont très enrichissants sur le plan humain, on apprend beaucoup de choses en observant ces micro-sociétés où la vie s’exprime et ne s’arrête jamais. C’est un métier passion.

Vous êtes présent sur le salon de la Copropriété et vous donnez des consultations gratuites sur l‘Espace consultations. Quels conseils les visiteurs viennent-ils chercher ?

Les Gestionnaires de copropriété de l’ANGC prennent beaucoup de plaisir à donner ces consultations aux copropriétaires. Avant tout nous aimons rendre service. Il s’agit le plus souvent de présidents de conseil syndical, de petits immeubles ou de grandes résidences. Leurs questions sont très variées et sont identiques à celles que nos copropriétaires nous posent en assemblée générale : les travaux obligatoires, les diagnostics obligatoires, les subventions existantes, le fonctionnement du fonds travaux, le calcul des charges, comment gérer les nuisances du commerce au rez-de-chaussée, comment agir contre les mauvais payeurs, comment se sortir d’un litige avec une entreprise, etc. On ressent souvent de l’inquiétude dans leurs questions, et nous sommes là pour les rassurer, en leur expliquant les règles de droit applicables et les différentes étapes à respecter pour résoudre un problème donné. Tout est une question de connaissances et de méthodes, c’est ce qui fait la marque d’un professionnel, syndic ne s’improvise pas.

Les copropriétaires ont aussi beaucoup de questions sur leur syndic, la durée de son contrat, ses honoraires particuliers, ce qu’il a fait ou ce qu’il aurait dû faire selon eux. On se rend compte ici que le rôle exact du syndic est méconnu dans ses contours. Dans les faits, on le sollicite d’un côté pour des tâches qu’il n’a pas à faire, comme par exemple arbitrer un conflit entre deux voisins de palier ou commander les étiquettes de boîtes aux lettres, et de l’autre côté, inversement, on l’empêche dans les missions qui lui sont normalement dévolues, comme par exemple la prise de décision seul de menus travaux. On voit ici une tendance où le conseil syndical empiète de plus en plus sur l’espace d’autonomie de gestion du syndic. La répartition des rôles entre le syndic qui gère, et le conseil syndical qui assiste et contrôle doit être sans cesse rappelée. Pour l’harmonie et de la fluidité de leurs échanges, il est primordial que chacun sache exactement quelles sont ses attributions et leurs limites, syndic et conseil syndical agissant de toute façon dans le même but, la conservation de l’immeuble et la protection de l’intérêt collectif ».